Mal au dos, au ventre, à la tête, mal partout, mal à l'âme, quelqu'un aurait le nom d'un bon ostéopathe ? Dans la vraie vie, faite de creux et de pleins, c'est ainsi que ça se passe. On se donne l'adresse d'un « bon » ostéopathe, que l'on ait 25 ans ou 80. Que l'on soit ouvrier, chômeur, patron ou cadre, intellectuel ou candidat à une élection présidentielle. Tous égaux, on cherche tous le nom d'un « bon ostéo ». En 2014, un Français sur deux en a consulté un. Le chiffre grimpe. Qui sont ces professionnels, peut-on leur faire confiance, comment trouver le sien et pourquoi sont-ils si peu reconnus par nos instances ? Bruno Ducoux a bien voulu répondre à toutes ces questions. Pourquoi lui ? D'une certaine manière, il fait autorité, sa clientèle est faite, il pratique depuis une quarantaine d'années, à Bordeaux. Enseigne l'ostéopathie à Paris 7. Il a connu toutes les époques et n'a jamais cessé de faire évoluer sa démarche, de la penser et de l'inscrire dans le monde d'aujourd'hui ». Ainsi, alors même qu'il aurait pu profiter de sa notoriété pour s'enrichir, a-t-il choisi de baisser le prix de ses consultations de 60 à 50 euros. Un acte revendiqué de « santé durable ».
1. Qu'est-ce qu'un ostéopathe ?
« Un soignant, un thérapeute qui recherche la santé et utilise l'auto-équilibre du corps, en agissant sur les tissus conjonctifs qui relient tous les organes. Il a une action globale, pas seulement, comme on le croit, sur le seul aspect locomoteur (muscles, articulations…), mais aussi sur tout ce qui constitue le corps : appareil digestif, circulatoire, système endocrinien… L'ostéopathie est une façon de soigner qui existe depuis la nuit des temps. Le mot a été inventé, la pratique s'est modernisée, mais cet art de soigner est intemporel. Le toucher reprend tout son sens ». Les ostéopathes militent pour une santé durable, car elle s'inscrit dans une médecine à vision globale prenant en compte le potentiel d'autoguérison. C'est la nature qui guérit ce que le “mal a dit”. Le corps a une mémoire, mais rien n'est définitif, on change tout le temps. Cependant, tout s'explique, tout a un sens. Une douleur à un endroit peut trouver son origine dans un autre, l'ostéopathe cherche le sens, il n'y a rien de magique sinon d'abord de l'observation ».
2. À quel moment doit-on consulter ?
Bruno Ducoux pendant une séance d'ostéopathie avec un bébé. L'ostéopathie peut être pratiquée à tous les âges, depuis la naissance jusqu'à la fin de la vie. Aujourd'hui, les ostéos militent pour défendre leur métier auprès des grands âgés, ceci pour limiter la prise de médicaments antalgiques et leur permettre une meilleure qualité de vie jusqu'au bout. La clé d'une consultation d'ostéopathie réussie est là. À tous les âges de la vie et avant d'avoir mal. À titre préventif. On peut consulter pendant la grossesse pour prévenir les difficultés de l'accouchement, aider à supporter les douleurs liées à la grossesse. On peut avoir recours à un ostéo pendant la naissance : de plus en plus de sages-femmes sont désormais formées. On consulte à la naissance pour soulager un torticolis du nouveau-né, les mauvaises positions dont on sait aujourd'hui qu'elles auront un impact sur le développement de l'enfant : un lien est désormais reconnu avec la dyslexie. On consulte tout au long de la vie. Les sportifs de haut niveau, les danseurs sont depuis longtemps acquis à la cause. Et, désormais, on commence à travailler avec les grands âgés, ce qui permet de minorer la prise d'antalgiques, notamment. »
3. Comment choisir un « bon » ostéopathe
« Eh oui, le bouche-à-oreille. Il faut savoir aussi de quelle formation il est issu. Désormais, l'État tâche de mettre de l'ordre dans les formations, les écoles bénéficient d'agréments qui attestent de la qualité de la formation. Un ostéo peut être médecin ou kiné et aussi de formation initiale. Il peut exister des ostéos crânien, viscéral, structurel (ceux qui font craquer, mais ils sont de moins en moins nombreux, on sait désormais faire bouger les vertèbres sans forcément faire craquer), faciathérapeute, biodynamique. Mais, à mon sens, la pratique doit être globale. Elle implique l'ostéopathe autant que la personne traitée. Ce qui est bon pour l'un peut-être inefficace chez l'autre. Chacun doit trouver son “bon” ostéopathe. »
4. Polémiques, réticences, qu'en est-il ?
« L'ostéopathie s'est développée en dehors de la faculté de médecine, en quelque sorte elle lui a échappé. Et face à cette indifférence de l'Académie de médecine et de l'Ordre des médecins dans les années 1960, la pratique a trouvé d'autres voies, pas toutes bonnes. Aujourd'hui encore, les réticences ont la vie dure, certains médecins, dont des éminents, prétendent qu'aucune statistique scientifique ne valide l'efficience de l'acte ostéopathique. « L'ostéopathie est en ce sens très différente de la médecine traditionnelle, car elle est subjective, elle implique le praticien et le patient, et a un impact sur le ressenti. On travaille avec la santé et pas en se focalisant sur le symptôme ou la maladie ». Certains médecins spécialistes ont fait entrer les ostéopathes dans leurs services, dans les cliniques, les hôpitaux. Au CHU de Bordeaux notamment, où des ostéos de ville intervenaient avec succès sur des bébés prématurés, ceux atteints de maladies cardiaques, depuis 2003. En 2012, cette vingtaine d'ostéopathes ont reçu un courrier de l'institution publique les sommant d'interrompre leur pratique pourtant divulguée à titre gracieux. Les exemples de ce type abondent. La faculté de médecine de Bordeaux, qui enseignait l'homéopathie, l'acupuncture et l'ostéopathie via des diplômes universitaires, a abandonné les deux premières pratiques, seule l'ostéopathie subsiste encore. Jusqu'à quand ? Cependant, face à l'engouement des Français pour les médecines alternatives, le Conseil de l'ordre des médecins est en train d'évoluer et vient de publier sur son site national un chapitre sur le fait que l'Ordre reconnaît désormais quatre pratiques de médecine alternative complémentaire (MAC) : homéopathie, acupuncture, mésothérapie et… ostéopathie. »
5. Comment évaluer l'impact sur la santé ?
« En tant qu'ostéopathe, j'ai tendance à responsabiliser les gens sur leur santé. Un ostéopathe seul ne peut changer le cours des choses. À chacun de se prendre en charge, faire un peu de sport, manger moins, prendre soin de soi dans le quotidien. L'impact sur la santé publique est réel, on parle de 20 % d'économies sur les dépenses de santé. Les études se multiplient dans le monde allant dans ce sens. Un exemple près de nous : la clinique d'Arès, en Gironde, a sollicité l'intervention d'un ostéopathe pendant un an, auprès du personnel soignant, à hauteur de deux séances annuelles. À l'issue de cette année 2006, la clinique a vu le nombre d'arrêts maladie du personnel soignant diminuer de 18 %. Le lien de cause à effet semble probant. Fort de ce constat, l'étude sous le bras, j'ai fait du lobbying auprès d'Alain Juppé, maire de Bordeaux, pour lui soumettre une même expérience auprès des employés municipaux qui sont 4 000. Il était enthousiaste à l'idée de faire des économies, mais les réticences internes n'ont pas permis de mener à bien ce projet. »
6. Combien coûte une séance en moyenne ?
« La fourchette de consultation s'élève entre 40 et 60 euros. De plus en plus de mutuelles remboursent en moyenne deux ou trois séances par an. Mais il n'y a pas de prise en charge de la Sécurité sociale. A priori, sauf cas exceptionnels, deux ou trois séances suffisent dans une année, parfois moins, cela varie en fonction de chacun. »
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